Le papier en sérigraphie :
pourquoi ça compte autant que l'encre ?
On ne vous vend pas du papier, on vous explique pourquoi on le choisit
Quand vous achetez une affiche sérigraphiée, vous ne regardez probablement pas la fiche produit en vous disant "ah oui, 300g/m², coton, pH neutre, parfait". Normal. Le papier, c'est pas sexy. C'est technique. C'est chiant.
Mais voilà le truc : en sérigraphie, le papier fait la moitié du rendu.
Littéralement. Même encre, même dessin, deux papiers différents = deux affiches complètement différentes au mur.
Alors on va vous expliquer ce qu'on regarde quand on choisit un papier. Pas pour vous faire un cours de chimie. Juste pour que vous compreniez pourquoi on ne prend pas le moins cher.
Ce qui se passe quand on imprime sur du mauvais papier
Imaginons qu'on imprime le Frankenstein de Guénaël Grabowski sur du papier de bureau standard. Techniquement, ça marche.
Sauf que :
- L'encre boit dans le papier. Les noirs profonds deviennent des gris. Les aplats ne sont plus francs. Tout paraît terne.
- Le papier gondole. Parce qu'il n'est pas prévu pour recevoir plusieurs couches d'encre épaisse. Vous l'encadrez, et trois mois plus tard il fait des vagues sous le verre.
- Ça jaunit. Pas tout de suite. Mais dans 2 ans, 5 ans, votre affiche n'a plus la même teinte. Elle vieillit mal.
- Au toucher, c'est plat. Un papier standard n'a pas de texture, pas de tenue. Ça ressemble à ce que c'est : une impression sur du papier de bureau.
Voilà. C'est pour ça qu'on ne le fait pas.
Ce qu'on cherche dans un papier d'art
On veut un papier qui fait trois choses :
Coton ou cellulose : la base
La plupart des papiers d'art sont faits soit en fibres de coton, soit en alpha-cellulose (une cellulose ultra-raffinée, sans lignine).
Le coton, c'est le papier qu'on a envie de toucher. Dense, souple, avec une main agréable. Il est stable dans le temps, il ne se déforme pas, et il a une texture subtile qui valorise l'encre. C'est le standard des beaux-arts depuis des siècles.
L'alpha-cellulose, c'est plus ferme, plus rigide. Moins "chaleureux" au toucher, mais tout aussi fiable. Excellent rapport qualité/prix. Et surtout, quand c'est bien fait (sans acide, sans lignine), ça vieillit aussi bien que le coton.
On ne va pas vous dire "le coton c'est mieux". Ça dépend du rendu qu'on cherche. Parfois on prend du coton. Parfois de la cellulose.
Ce qui compte, c'est que ce soit sans acide et que ça tienne dans le temps.
Le grammage : pourquoi 300g/m² (et pas 80)
Le grammage, c'est l'épaisseur du papier. En gros : plus c'est lourd, plus c'est épais.
Une feuille de bureau, c'est 80g/m². Ça marche pour imprimer un mail. Pas pour recevoir 4 passages de sérigraphie.
Nous, on tourne autour de 250 à 320g/m². Pourquoi ?
Parce qu'à ce grammage, le papier :
- Ne gondole pas sous l'encre
- Reste bien plat dans le cadre
- A une vraie présence physique (on sent l'épaisseur)
- Se manipule sans se corner au moindre faux mouvement
Plus épais, ça devient rigide et difficile à encadrer. Moins épais, ça manque de tenue. 300g/m², c'est le sweet spot.
Grain et surface : mat, lisse, texturé
La surface du papier change complètement l'aspect des couleurs.
Un papier mat à grain fin avale un peu la lumière. Résultat : des noirs profonds, des aplats puissants, un rendu velouté. C'est ce qu'on utilise le plus souvent.
Un papier plus lisse donne des contours très nets, des traits précis. Par contre, il reflète un peu plus la lumière sous vitrage.
Un grain marqué ajoute une vibration subtile à l'image. Ça peut magnifier un visuel organique, mais ça casse un peu la netteté des bords très francs.
Il n'y a pas de "meilleur grain". Ça dépend du dessin, du style de l'artiste, de l'effet qu'on cherche. Mais on teste toujours avant de valider.
Blanc, ivoire, ou blanc-blanc : la teinte du papier
Le papier a une couleur. Même si on ne la voit pas au premier coup d'œil.
Un blanc neutre, c'est ce qu'on utilise le plus. Il ne colore pas l'image, il la laisse s'exprimer. C'est propre, c'est net, ça fonctionne dans tous les intérieurs.
Un ivoire léger adoucit l'ensemble. Ça donne un côté plus chaleureux, moins clinique. Parfait pour des visuels organiques ou des portraits.
Un blanc très froid (avec des azurants optiques pour le rendre "éclatant") peut durcir les contrastes. Ça claque à l'ouverture, mais ça peut vieillir de manière inégale si l'affiche prend trop de lumière.
On privilégie les blancs stables, sans excès d'azurants. Parce qu'on veut que l'affiche ait la même teinte dans 10 ans.
pH neutre et sans acide : pourquoi ça vieillit bien
Un papier d'art de qualité est sans acide (pH neutre ou légèrement alcalin) et sans lignine.
Pourquoi c'est important ?
Parce que l'acidité et la lignine attaquent le papier avec le temps. Résultat : ça jaunit, ça fragilise, ça part en miettes. Vous avez déjà vu un vieux journal ? Voilà. C'est ça un papier acide qui vieillit.
Un papier sans acide, avec une réserve alcaline, reste stable. La couleur ne change pas. Les fibres ne se cassent pas. L'affiche traverse les années sans faiblir.
C'est la différence entre "j'ai une affiche" et "j'ai une pièce de collection que je peux transmettre".
Comment le papier réagit avec l'encre de sérigraphie
La sérigraphie, c'est pas de l'impression jet d'encre. On dépose des couches épaisses, opaques. Parfois 4 passages. Parfois 6.
Si le papier est trop absorbant, il boit l'encre. Les couleurs deviennent mates, ternes. Si le papier est trop fermé, l'encre glisse, s'accumule, fait des surépaisseurs.
Le bon papier accepte l'encre, la bloque en surface juste ce qu'il faut, et la laisse sécher proprement entre les passages. Sans "tirer" sur les couches précédentes.
C'est particulièrement visible avec les encres spéciales. Une encre métallique sur un papier trop absorbant ? Elle perd toute sa brillance. Sur le bon papier ? Elle claque.
On ne devine pas. On teste. Et quand ça fonctionne, on le sent immédiatement.
Concrètement, qu'est-ce qu'on utilise chez TAIN ?
On travaille principalement avec des papiers autour de 300g/m², en coton ou alpha-cellulose, à grain fin mat, blanc neutre, pH neutre. Parce que c'est stable, fiable, et que ça met en valeur les sérigraphies sans imposer de signature trop marquée. Le papier ne doit pas "écraser" le dessin. Il doit le porter.
Sur certaines éditions, on teste d'autres surfaces, d'autres grains, d'autres teintes. Mais toujours avec les mêmes critères : qualité, stabilité, longévité.
On détaille toujours le papier sur la fiche produit pour que vous puissiez comprendre ce que vous achetez.